Les toiles de Fakaha

Celles-ci sont faites en « peinture naturelle » sur du coton. Elles sont réputées dans le monde pour avoir fortement inspiré Pablo Picasso (surnommé « l’homme nu ») lors de son voyage dans cette région Sénoufo après les indépendances. A l’origine, les dessins étaient faits sur les murs pour décorer les maisons. C’est Soro Donisongui (1940/1950) qui a commencé à peindre sur des toiles.

Une technique ancestrale

Le peintre réalise son travail sur un panneau de coton écru formé de bandes cousues entre elles et tendues sur du bois. Il travaille seul, à même le sol de terre battue de sa case… Ses outils sont sommaires : des couteaux de différentes épaisseurs pour peindre, un petit rondin de bois d’acacia (pour faire « les ronds »), une petite brosse taillée et d’un geste sûr, il trace directement les motifs sur la toile.

La teinture brune, utilisée pour le premier tracé, est faite d’écorce et de feuilles bouillies. Les motifs sont ensuite repassés en noir avec une teinture obtenue à partir de maïs concassé, pilé et fermenté. Le rouge peut aussi être utilisé soit pour les motifs soit pour le fond ; il est alors fabriqué à partir de tiges de sorgho écrasées, d’eau et de cendre. 

Enfin, dernière étape, les teintes sont fixées grâce à un mélange à partir de chapalo (bière de mil) fermenté avec un peu de citron.

Les toiles peintes sont mises à sécher au soleil sur les murs des cases.

Une création originale

En 1960 pour la fête nationale, le président Houphouet Boigny organisa des démonstrations d’innovation. À cette occasion, le fils du roi de Napiè (village proche de Fakaha) rencontra Soro Donisongui, peintre créateur et ancien élève de Fa, et fut séduit par sa tenue traditionnelle ornée de motifs. Applaudissements de tous… Une galerie d’art d’Abidjan lui passa alors commande et Soro dût s’entourer d’autres peintres pour répondre à la demande. Il forma ainsi de nombreux hommes au village de Fakaha : « le village de Fa ». Le Groupement est né dans les années 60. Il a compté plus de 70 artistes avant la crise, aujourd’hui, ils ne sont plus que 36. Pour ce village très isolé, la peinture des toiles est la principale activité économique ».

Des toiles à haute valeur symbolique

Les motifs sont d’inspiration très traditionnelle, d'essence sacrée. A l'origine, les sujets symboliques étaient conseillés par un féticheur selon les préoccupations des personnes (mauvais présage, désir de maternité, santé..). Ces toiles étaient portées en pagne par les femmes, en costume de chasse ou de danse par les hommes, et étaient sensées les protéger. Actuellement, elle servent aussi à la transmission orale et permettent de montrer aux enfants les animaux aujourd'hui disparus, font allusion à des scènes de chasse ou de cérémonie traditionnelles. Les motifs sont créés par les peintres eux-mêmes à partir des masques du Poro (rite initiatique) alors que d'autres sont imaginés ou font référence aux mythes locaux.